30 mars 2011

"Prospective 2040" sur la Culture

Assemblée Plénière du 25 mars 2011
Discours de Sylvie MEYER, vice-présidente chargée de la culture :

En tant que vice-présidente à la Culture, j’avoue être un peu dépitée de la place très marginale et très « satellitaire » qui lui est réservée dans ce document. Je rejoins d’ailleurs en cela l’avis du CESR, avis dont je tiens à saluer la grande pertinence.

Non seulement la culture tient peu de place dans ce document, mais la formulation du paragraphe qui lui est consacré appellerait de ma part bien des remarques. Que dire de la notion de «  culture endogène », autre manière de parler d’identité au mauvais sens du terme : la culture n’est-elle pas avant tout ouverture, curiosité et découverte de l’inconnu ?
Et quel sens donner au terme de « moteur culturel » ?

Permettez -moi par ailleurs de m’inquiéter de ne retrouver la culture dans la suite du document qu’en quelques lignes p17 pour la réduire au rang de facteur d’attractivité susceptible de faire venir chez nous , je cite «  les cadres supérieurs de GE , de PSA ou d’Alsthom … »

Non, ce n’est pas, à mon sens, le rôle de la culture ….

Mais j’ai bien compris que ce n’est pas ce document en lui-même qui est en question, mais la conception-même que nous avons individuellement et collectivement de l’avenir et de la forme que prendra la société dans laquelle nous souhaitons évoluer.

C’est pourquoi mon intervention dépassera le champ strict de la culture ou plutôt l’élargira.

En effet la prospective n’est-elle pas un exercice destiné à faire «  bouger les lignes » ?

Faire bouger les lignes, cela veut dire pour moi admettre et affirmer une bonne fois la place centrale de la culture dans la conception même du type de société que nous souhaitons non subir, comme si son évolution était inéluctable, mais construire ensemble.

Je voudrais citer à ce propos le point 1 de la déclaration des Rencontres Européennes du 9 juillet 2010 organisées par le Festival d’Avignon et le Relais Culture Europe :
«  La création artistique nous apparait comme un des creusets de cette recherche d’un nouveau modèle sociétal européen. Laboratoire des idées et des formes, terrain des expérimentations esthétiques et sociales, exploratrice des enjeux humains, la création artistique peut ouvrir les voies d'un modèle de développement durable réaffirmant les bases d'un nouvel humanisme. »

En point 2, cette déclaration appelle à «  une vision de la culture, certes constitutive d'identités, mais principalement destinée à l'élaboration d'un « vivre
ensemble » ouvert au monde et à ses transformations »

Faire bouger les lignes, c’est donc faire le changement de posture nécessaire pour passer d’une offre culturelle pensée sous l’angle de la consommation d’un produit, qu’on cherche certes à rendre accessible à tous, qui est accepté ou pas par un public à une culture qui construit l’individu, une culture qui questionne, aide à grandir, à s’ouvrir, à se construire.
Oscar Wilde disait : «  la culture, c’est l’esprit critique et rien d’autre ». Et cela passe par la parole échangée, la pratique partagée, la découverte et l’émotion.
Tout ce qui se passe quand à la sortie d’un spectacle ou d’un moment culturel quel qu’il soit , on se sent plus grand …Je n’ai pas dit «  plus intelligent » , j’ai dit « plus grand » car c’est bien d’élévation dont il est question .

C’est aussi partir du principe que la culture n’est pas qu’un petit plus, mais le centre même du vivre ensemble, qu’elle fait projet de société et permet de construire une identité partagée seule garantie d’une forme de cohésion sociale.

Placer la culture au centre, c’est se demander comment elle peut irriguer non seulement la sphère privée mais aussi la sphère sociale, la sphère du travail, la sphère éducative, voire même la sphère urbanistique, etc. ….

Je note d’ailleurs la coïncidence qui fait qu’est paru hier dans le Monde un article faisant état du résultat d’une étude, commandée par le Ministère de la Culture sur la forme et le périmètre qui pourrait être le sien à l’horizon 2030. Dans cet article, il est fait état de 4 scénarii prospectifs auxquels aboutit cette étude. L’un d’eux a retenu sur ce point mon attention : ce scénario, dénommé «  la culture d’identité «  envisage que l’Etat se concentre sur certains fleurons d’une culture française, les collectivités locales œuvrant à (je cite) «  une vitalité culturelle sociale et communautaire ancrée dans la vie des populations »

Ainsi, il s’agit aussi d’interroger le rapport entre culture et territoire, pour se demander comment la culture peut être le ferment du lien social, du sentiment d’appartenance à un collectif et à un espace.
C’est à mon sens ce que vivent de l’intérieur les centaines de bénévoles qui sur notre territoire , aux côtés des acteurs culturels professionnels et grâce à eux, contribuent à porter des projets et des évènements qui sans eux , n’existeraient pas ….Sommes –nous capables d’imaginer que chaque citoyen franc-comtois aie au cours de son parcours de vie et à un niveau variable l’occasion de vivre une telle interpellation et une telle symbiose ?

Voilà quelques unes des questions ouvertes que je souhaiterais placer au centre de nos réflexions à venir dans le cadre de ce débat prospectif.

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